Dans un contexte mondial où les financements dédiés à la solidarité internationale
reculent sous la pression croissante des mouvements conservateurs et anti-droits, la
France veut prendre le contrepied et se positionner en leader sur la défense des
droits humains et de l’égalité femmes-hommes. BATIK International salue cette
ambition mais rappelle qu’elle ne sera crédible et transformatrice que si elle s’incarne
dans une diplomatie féministe inclusive, pérenne et si elle est à la hauteur du soutien
nécessaire aux organisations du terrain.
Dans un contexte global hostile au financement de la solidarité internationale et aux luttes féministes, BATIK Int. partage la volonté française de promouvoir et porter une diplomatie féministe forte, à condition qu’elle soit ancrée dans les réalités du terrain.
Les organisations féministes, les services médico-sociaux, les structures d’éducation communautaire et les acteurs du juridique spécialisé portent de plus en plus de responsabilités en matière de prévention des violences et d’accompagnement des victimes du fait du désengagement des Etats, souvent avec des moyens très insuffisants. Leur expertise, construite au contact direct des populations concernées, est indispensable pour transformer durablement les rapports sociaux de genre.
Une première étape pour agir : produire de la connaissance sur la lutte contre les violences et rendre visibles les obstacles
Pour défendre une diplomatie féministe inclusive et durable, BATIK Int. et ses partenaires en Afrique du Nord documentent les réalités locales,

analysent les dispositifs de prévention et d’accompagnement et identifient les lacunes institutionnelles qui freinent l’action.
Une
étude complémentaire menée par BATIK Int. auprès des associations mobilisées dans la région MENA confirme une fragilisation accélérée : diminution des soutiens financiers, contexte politique défavorable, obstacles administratifs croissants.
Les chiffres sont sans appel :
Près de la moitié (45,3 %) des organisations au Maghreb n’a jamais eu accès à un financement public. Pour celles qui y accèdent, le soutien est insuffisant (91 % le jugent très limité).
Et concernant l'accès aux financements internationaux, 55% des organisations estiment que les financeurs sont déconnectés des réalités locales, 43,4% des organisations subissent une violence administrative à travers des procédures lourdes et disqualifiantes, et 38% dénoncent les risques juridiques encourus pour accéder à certains fonds internationaux, qui peuvent bloquer tout soutien financier.
Deuxième étape, convaincre les décideurs et acteurs d’influence d’agir
Face à ces constats, aucune avancée durable en matière de droits des femmes, des enfants et des minorités de genre n’est possible sans renforcer les organisations de la société civile, consolider les cadres légaux protecteurs et assurer un soutien financier pérenne aux organisations qui portent ces luttes. C’est sur cette base que BATIK Int. et ses partenaires interpellent pouvoirs publics et acteurs internationaux.
Cette mobilisation s’est exprimée lors de la conférence Walk The Talk « Financer les futurs féministes » à
Madrid, où notre partenaire Yousra El Barrad (Fédération des Ligues des droits des Femmes, Maroc) a porté la voix des associations du Maghreb, puis à la Conférence des diplomaties féministes à Paris, organisée par le Ministère des Affaires étrangères et l’AFD. BATIK Int. y a rappelé la
vulnérabilité des organisations féministes locales et défendu une diplomatie féministe intersectionnelle 1 , décoloniale 2 et durable, articulée autour de quatre priorités :
1) Des financements féministes et décoloniaux,
2) Une inclusion réelle des personnes les plus vulnérables dans les processus
stratégiques,
3) Une participation effective des associations du Nord et du Sud dans les
espaces de décision,
4) Un meilleur alignement des financeurs sur les besoins exprimés localement.
Retrouvez nos constats et notre feuille de route dans notre rapport de plaidoyer, ainsi que nos recommandations pour soutenir la pérennité des mouvements féministes en France et en Afrique du Nord.
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1 Intersectionnelle puisqu’elle prend en compte les différents rapports de domination qui subissent les femmes et les minorités de genre (genre, origine, classe, handicap…)
2 Décoloniale à travers l’inclusion des publics concernés pour s’assurer que leurs besoins sont bien pris en compte et en donnant plus de pouvoir aux organisations féministes du Sud global, reconnaissant les inégalités héritées des rapports de domination historiques coloniales.